28 avr. 2008

Thème 4

Le nouveau thème (mais vous pouvez toujours participer aux anciens) est :

"Rose Désert"

La présence d'un personnage féminin est obligatoire.
Vous devez placer la phrase "La mer s'est crashée dans l'avion" ainsi que "J'aurai mon flash avant midi"

A vos plumes :)


22 avr. 2008

Karl. Nouvelle Libre.

KARL

Ce jour-là, Lucien rentra plus tôt. Il lâcha sa serviette au pied de la commode, posa ses clés sur le vide-poche, et rangea sa veste rapiécée. Carine, affalée devant la télévision, ne vint pas l'accueillir.
-Je suis rentré, chérie.
-Je sais, je ne suis pas sourde.
-J'ai pas le droit à un bonjour ?
-Je ne peux pas me lever. Karl me crève.
Lucien eut un sourire compatissant et se dirigea lentement vers elle. Carine, pour qui la moquette du salon était une seconde peau, cria.
-N'entre pas ici avec tes chaussures dégueulasses !
-Désolé. Je nettoierai ça.
Il fit demi-tour, enleva ses mocassins, et revint voir sa femme. Il s'assit à coté d'elle et voulut l'embrasser, mais elle détourna la tête. Il put quand même glisser une main sous son chemisier pour caresser le ventre rond, et sentir les coups de Karl.
-Il est pressé de naître.
-Oui, mais je veux le garder jusqu'à la date fixée. Je ne le sens pas fini.
-Ne sois pas méchante.
-C'est moi la mère.
Il haussa les épaules, puis il s'oublia dans les images du téléviseur.

L'on sonna 24 minutes plus tard. Lucien s'était endormi, mais c'est lui qui dut se lever pour ouvrir. Un petit homme sec mais souriant pénétra directement dans l'appartement et s'installa à la grande table de la pièce principale. Il dégagea d'un revers de main tout ce qui s'y trouvait et il ouvrit son attaché-case pour en sortir un petit dossier rouge, qu'il disposa correctement sur la nappe. Lucien, toujours dans l'entrée, le regarda béatement.
-Non mais heu... Vous vous prenez pour qui à vous incruster comme ça, chez moi ?
-Vous n'êtes pas chez vous. L'appartement est au nom de votre femme.
-Alors vous vous prenez pour qui à vous incruster comme ça, chez ma femme ?
-Pour quelqu'un qui n'a rencontré aucune résistance à son incrustation chez votre femme.
-Heu... Oui mais...
-Trêves de banalités. Venez vous asseoir en face de moi. Il en va de même pour vous, Madame Carine Sache. Et profitez-en pour éteindre ce poste télévisé braillant des inepties portant atteinte à ma santé mentale.
Lucien et Carine s'exécutèrent.
-Bien. Nous pouvons maintenant discuter sérieusement. Je me présente : Représentant D'Offre Commerciale Aux Futurs Parents d'EPONGEX.
-La marque de serviette hygiénique anti-transpirantes ?
-Cela même. Ma société lance sur le marché une stratégie commerciale innovante prônant aux maximum la satisfaction de consommateurs ciblés. Ici, la femme enceinte. Or, vous êtes bien Mr et Mme Sache, parents de Karl Sache dont la date d'accouchement est officiellement prévue au 23 mars à 15h54.
-Comment savez-vous tout ça ?
-Nous avons nos sources. Vous attestez donc ces informations ?
-Oui.
-Parfait. Je puis donc vous informer du projet vous concernant.
-Heu, ok...
-Commençons par le commencement. EPONGEX voit les choses en grand. Le marché de la serviette hygiénique anti-transpirante se porte bien. Les femmes s'assument, se veulent propres et n'ont plus peur du qu'en dira-t-on. EPONGEX se voit alors poser le premier jalon de la collaboration totale entre entreprise et client. L'apogée de la société de consommation moderne, la satisfaction des désirs les plus fous, la marche vers le progrès ont un nom : la PUBLICITÉE INCORPORÉE.
-!?
-Je comprends votre étonnement. La Publicité Incorporée est aussi folle et exceptionnelle que la conquête spatiale. Futuriste, mais réelle ! Avec la collaboration des ménages, nous y arriverons bientôt.
-Si vous le dites, mais en vérité, c'est QUOI ?
-Un idée simple et efficace. Ma société se propose de sponsoriser votre futur enfant, et cela à vie.
-Du sponsoring ? Mais Karl sera un garçon, que va t-il faire de serviette hygiéniques ?
-Oh, il ne s'agit pas de ça. EPONGEX est très diversifiée. Elle prendra en charge non moins que sa vie. C'est à dire son alimentation, sa santé et le financement de son éducation. De plus, vous recevrez un salaire de 3000 euros nets, pour répondre à toutes les autre envies future de votre chérubins. N'est-ce pas merveilleux ?
-C'est en effet très alléchant, mais je ne crois plus au Père Noël. Qu'est ce que vous attendez de nous en échange ?
-Oh, une bagatelle. Vous devez juste nous autoriser à tatouer une publicité sur le front de votre enfant.
Carine s'étouffa et manqua de s'évanouir.
-Calmez-vous madame, je comprends votre réaction spontanée. Mais soyez rassurée. La pose se fait à nos frais, par la technique du laser. Cela est totalement sécurisé, et le tatouage ne nécessitera aucun nettoyage ni réparation durant toute la vie. Il sera parfaitement incrusté sous la peau, dans un style qui sera du plus bel effet. je vous le garantis.
Carine se leva et se mis la tête entre les mains.
-C'est dingue, complètement dingue. Comment pourrais-je accepter chose de si immonde ?
-Mais enfin, tout cela est à votre plus grand bénéfice.
-Partez de chez moi Monsieur. Vous et votre société n'êtes que des psychopathes qu'on devrait abattre.
-Restez calme madame. Réfléchissez. Vous avez là une occasion unique de garantir une vie décente avec votre gamin. Vous croyez qu'il mangera tous les jours avec le salaire minable de votre mari et vos horaires affamés au supermarché du coin ?
-Je préfère qu'il crève plutôt qu'il vive comme une bête de zoo promouvant l'achat de serviettes hygiéniques.
-C'est à que vous faites erreur. La Publicité Incorporée est un processus parfait qui se répandra partout. Il sera accepté facilement par les ménages attirés par l'appât du gain, c'est à dire tous. Et votre fils ne vivra pas comme un marginal mais comme la véritable égérie de la mode la plus in. Et l'on vous vantera comme des parents courageux ayant su faire les bons choix pour l'avenir de votre progéniture.
-Nous ne sommes pas des robots, nous aimons nos enfants plus que tout. On accepte peut-être les milliers de pubs dans la rue, le métro, les parkings, notre boîte aux lettres, notre ordinateur et notre voiture. Mais sur le front de nos enfants, jamais !
-Ouvrez les yeux, vous habillez déjà vos gamins en homme-sandwich. Ses jeans, son sweat, son tee-shirt, son sac et tout ce qui sort de sa bouche n'est que publicité.
-Ce n'est qu'un style sans conséquence, rien à voir avec vos projets dégueulasses !
-Bref, vous refusez. Très bien. Une autre mère acceptera. Ce système est installé au plus profond de vos âmes et il est bien trop tard pour lutter. Au final, nous gagnerons, comme toujours.
Sur ce, au revoir Madame. Je souhaite à à votre enfant une mort longue et difficile.
Le représentant se leva et Carine lui cracha au visage. Il s'essuya de la manche et partit tranquillement, un sourire pervers cloué au visage.
Lucien voulut rassurer sa femme.
-Ouah, clair qu'il ne trouvera jamais de clients.
-Toi, ta gueule. Si t'étais un vrai mec, tu ne l'aurais jamais laissé rentrer. Je me demande franchement ce que je fous avec toi, t'es un vrai fantôme.
Lucien encaissa l'insulte sans broncher, mais son visage se blanchit. Il tourna les talons, pris sa veste et partit à son tour en claquant la porte. Ce fut leur première dispute.

Dehors, Lucien parvint à s'allumer une clope sans se faire voir des caméras de contrôle anti-tabac. Puis il marcha au hasard, cherchant à s'oublier dans la ville. Il prit un bus qui passait là et vint s'asseoir au fond.
Là, il tomba sur le représentant.
-Tiens, comme on se retrouve...
-C'est un signe du destin.
Lucien claqua de la langue et croisa les jambes. Il garda le silence pendant quelques minutes puis se tourna vers lui.
-J'ai réfléchi. En tant que père, j'accepte votre offre.
-Ha ha, j'en étais sûr. Comme une revanche contre votre femme, qui porte le pantalon, n'est-ce pas ?
Lucien rougit et hocha de la tête.
-Nous allons arranger ça en quelques secondes.
Le représentant ressortit le dossier rouge lui présenta trois feuilles et un stylo. Lucien signa en bas des trois papiers.
-Parfait. Tout est réglé.
Le représentant lui offrit alors un petit cachet violet.
-Lâchez ça dans le verre de votre femme dès que vous pouvez. Elle ne se rendra compte de rien. Votre enfant naîtra alors avec un joli front et une garantie à vie. EPONGEX veillera sur lui.
-Ainsi, tout est au mieux. Adieu.
Lucien mit le cachet dans sa poche et descendit à la station suivante. Il reprit le chemin de l'appart', avec un crochet chez un fleuriste.

De retour au salon, il offrit un bouquet de fleur à Carine et s'excusa de son attitude de lâche. Elle lui pardonna et voulu un apéritif, pour celer la fin de leur courte dispute.
-Pas de problème chérie, je vais préparer ça.
Il alla à la cuisine remplir deux verres de vodka et faire une petite assiette de charcuterie. Carine vida son verre d'une traite, et ils se rappelèrent leur amour sur le canapé usagé.

Karl naquit quelques jours plus tard. C'était un beau bébé, rose et bien en chair. Son front affichait fièrement "Avec Epongex, ma culotte est toujours au sec ! ". Il vécut longtemps, et fut quelque peu heureux.

FIN


(Nairod)

19 avr. 2008

Première nouvelle sur le Troisième thème

Voilà la première nouvelle sur le troisième thème. Elle s'appelle "Dis-moi". Bon les contraintes, c'était pas évident du tout, je dois dire. C'est plus ou moins respecté ! ^^ J'espere que vous reconnaîtrez la référence aux Pink Floyd.


« Dis-moi, comment as-tu vécue ta vie, et qu’as-tu vu ? Sous quelle lune es-tu née, sous qu’elle étoile as-tu grandi ? Dis-moi… Racontes-moi ces nuits blanches, ces nuits noires, ces nuits de cauchemars. Et, surtout, dis-moi, qu’est ce qui guide tes pas ? Laisse-moi t’entendre.

C’était lâché. Elle le regarda, d’un air effrayé, puis baissa les yeux et ne dit rien.
« Un tel silence, rajouta-t-il. Signifie-t-il que tu n’as rien vu ?
Elle ferma les yeux, crispa ses mains.
« S’il te plait, ne dis rien de plus, dit-elle. S’il te plait…

A son tour, il devint silence. Mais ses yeux ne pouvaient se détacher de cet être, de cette personne qui semblait dire « Embrasse-moi, mais juste avec les yeux ». Juste avec les yeux.
Les plus beaux baisers se font avec les yeux, et les siens étaient d’or. Il suffisait simplement qu’elle lève le regard vers lui, et alors il sentait les battements de son cœur s’emballer, ses mains se crisper, ses lèvres trembler. Elle était sa drogue. Il aurait pu passer des heures à l’embrasser du regard, à se perdre dans ses yeux bruns, ses yeux en amande, et s’égarer jusque dans la petite tâche foncée qu’elle avait, tout près de la pupille, et qui semblait être comme une étoile merveilleuse sur la voie lactée. Mais ce n’était pas aussi simple. Rien n’est jamais aussi simple.
Là, elle l’avait compris. Il s’était juré de ne pas se taire plus longtemps. Alors, voilà, il voulait le lui dire. Mais il n’eût même pas besoin de prononcer ses mots, elle l’avait simplement lu dans son regard et avait deviné ce qui l’animait.
« Je croyais qu’on était amis… »
Il ne dit rien.

Une larme coula sur sa joue, qu’elle essuya avec sa manche.
« Pourquoi ? » dit-elle.
« Parce que c’est toi. Tes yeux, si profonds. Ton sourire si lumineux. Ta voix, ton visage, ton odeur, ton rire, tes gestes, tes manies lorsque tu es gênée, lorsque tu es contente, lorsque tu es triste aussi, que tu es mal à l’aise, parce que ça fait parti de toi. Lorsque tu te sens bien, lorsque tu parles, lorsque tu écoutes, que tu remets machinalement tes cheveux en place, que tu lèves les yeux au ciel en espérant que l’on ne voit pas ou que l’on n’entende pas ce que tu viens de faire ou de dire. Lorsque tu passes ta langue sue le rebord de tes lèvres, aussi, et que tu regardes pensivement les gens dans la rue en te touchant le bout du nez. Ou encore lorsque tu es effrayée, mais pour rire, et que tu te protèges avec tes mains et entrebâilles tes yeux en faisant danser tes cils au rythme des ailes d’un papillon. Pour tout cela et pour bien plus. C’est pour cela que je t’aime. »

Il sentait son cœur battre la chamade. A plusieurs reprises, il cru même qu’il allait sortir de sa poitrine et allait courir, libre, à travers les rues de la ville, si triste.
Il allait rajouter autre chose, lorsqu’elle le coupa.
« Ne dis rien de plus. »
Elle baissa la tête. Une seconde larme coula.
« Qu’est ce que tu crois ? Tu arrives dans ma vie, come ça, et tu penses pouvoir tout bouleverser ? »
Elle se mit à sangloter. Il s’approcha d’elle pour la prendre dans ses bras, mais elle le repoussa.
« S’il te plait, ne m’approche pas… »
Puis elle se calma, respira un peu, et reprit.
« L’amour, c’est pas si simple. C’est tellement… Jour après jour, l'amour vire au gris. Comme la peau d'un homme mourant. Et nuit après nuit, nous prétendons que tout va bien. Tout va bien car nous nous aimons. Mais je veux simplement être libre, tu comprends. Je veux juste respirer tout l’air que mon corps voudra, tout l’air qu’il y a pour moi. Sans avoir à vivre avec moi. Ne plus me voir. Ne plus me voir lorsque je regarde un miroir. Parce que c’est cette image qui crée tant de malheurs. Tous les jours, ce sont les images qui rendent les gens malheureux… »
« Si ce n’était pas elles, ce serait autre chose. Je n’aime pas que ton image, tu sais. Loin de là. »
Elle baissa les yeux, une fois de plus. Elle qui était si rayonnant, si pleine de vie, la voilà noyée sous les larmes.
« S’il te plait… Ne dis plus ça. Ne dis plus rien. Désolée, mais je… Je ne veux plus t’entendre…
Elle le regarda d’un air navré, puis se retourna et prit la direction de son arrêt de bus.
« Attends ! » cria-t-il.
Elle s’arrêta, crispa la mâchoire, ferma les yeux, sans pour autant se retourner.
« Dis-moi, s’il te plait. Dis-moi ce qui guide tes pas… »
De grosses larmes roulèrent sur ses joues, qu’il laissa mourir sur son menton. Elle ne se retourna toujours pas et partit, elle aussi noyée sous les larmes.
Il resta ainsi et la regarda, impuissant, s’éloigner, toujours magnifique sous le soleil chancelant. Puis il s’adossa contre le mur, se laissa glisser au sol et se prit la tête entre les mains.
« S’il te plait… Dis. »

15 avr. 2008

L'irrascible Inspection

Voilà une petite nouvelle que j'ai écrite à la place d'une dissertation de littérature sur Jacques le Fataliste. Pour la petite histoire, j'avais demandé à des amis de me donner des mots à placer. Pour patienter le temps que j'écrive mes nouvelles sur les thèmes 2 et 3.
Bon c'est un peu long donc je m'excuse à nouveau pour la place que je prends ! :o



Cette histoire se passe en l'an 72 après Chuck Norris. Venant des lointaines montagnes de Gruyère, elle a prit sa source dans un petit village qui se nommait Goldorack. Ce village, seul bastion attenant aux vestiges d'une ruine passée, tenait son nom d'un héros, un grand homme du nom de Goldorack qui avait sauvé, jadis, le monde, les cachalots et les bonnes rillettes du Mont d'Arrée. Mais ceci est une autre histoire...
Autant dire, donc, que ce village était très attaché à l'histoire de cet homme. On y étudiait le Goldorien. On y mangeait goldorique. On louait un culte Goldivin et on reluquait, en cachette, les vieilles icônes de Lady Godiva, qu'on avait, évidement, renommée Goldiva.
Grand divin ! Alors qu'il n'y avait point d'ambigu dans la situation, advint l'incongru.
Qui ne dura pas d'ailleurs. L'on entendait dire, par-ci, par-là, que des complots secrets se fomentaient contre le Maître des lieux, le grand potentat du village, appelé le Goldmichel – en référence au prénom de Goldorack qui, vous l'aurez compris, était Michel. L'on courrait de toutes parts. Ca s'agitait. Ca fulminait. Ca haranguait...
-Vive le mécène ! disait-on par ici.
-Mécène ? Il est mécène ? Yahoo ! criait-on alors par là.
-Coupons-lui la tête ! hurlait-on par-ci, par-là.
-Que de simagrées !apostrophait-on vers par là-bas.
-Que de pétunias ! soufflait-on à l'oreille des voisines.
-C'est un scandale ! braillait-on lorsque, enfin, la milice réagit sous les ordres du gouvernements aux perturbations que connaissait le village.

L'on coupa des tête. L'on occilla des enfants. L'on brûla des vieillards. L'on viola des pucelles. Et tout alors revint en ordre.
Le général Strotskiste revint alors vers le palais tout en essuyant ses bas afin d'informer Jacques, le Goldmichel, de la nouvelle situation. Il monta les marches une à une. Puis deux par deux, quatre par quatre... Et puis il s'arrêta un moment, essoufflé, et se dit qu'il ferait mieux de prendre l'ascenseur. Une fois arrivé à l'étage « Intendance, débarras, chambres d'encônements », il se dirigea vers la chambre de Jacques. Il traversa le long couloir faisant, par la même occasion, voler sa cape à travers toute la largeur que le corridor lui donnait, s'accrochant de ci de là dans les encoignures. Il arriva enfin aux portes du grand manitou et poussa les battants.
-Horreur ! cria-t-il.
-Affliction ! hurla-t-on à sa suite.
-Plaie des plaies ! maugréa-t-on à sa gauche.
-Sapristi ! s'engourdit-on à sa droite.
-Samba ! chantait-on à Salsa.
-Jacques ? Où est Jacques, foutre bon sang ?!

En effet... Jacques avait bel et bien disparu. L'on avait du profiter de la diversion qu'offrait le peuple pour en attenter à sa vie, que dis-je ? Pour lui huiler ses gonds en or massif !
-Poussez-vous ! Poussez-vous ! disait une voix qui sortait de la foule amassée en rang d'oignon.
Un petit homme sortit, non sans jouer des épaules, du noyau final des visiteurs incongrus. Il montra une plaque au général Strotskiste.
-Brigade de répression canine. Je prends l'affaire en main.
-Répression canine ? housta un gros bonhomme à l'air hirsute. Vous voyez pas qu'il s'agit d'un enlèvement politique ? Il nous faut le FBI ! Le GIGN ! Les forces navales ! Ou alors Xena la guerrière !
-Un enlèvement politique, hein ? répliqua l'agent. Et que dites-vous de CELA ?!

L'agent, qui s'était préalablement placé près de la grille d'évacuation des eaux usées du trône, l'ouvrit d'un coup de pied. Il plongea le bras dedans, lutta un moment et en ressortit une éponge de mer. une forte odeur se dégagea alors dans la pièce. Certains virent mille chandelles. D'autres virent le plafond. Et d'autres encore pataugeaient lamentablement dans les restes du dîner de leurs voisins respectifs.
-Ca sent le méthane ! houspilla-t-on. Qui a osé ?!
-Ce que vous sentez n'est pas du méthane. Il s'agit du gaz disopropylaminoethyle-o-ethyle methyle phosponothicrate. Et je vais vous...
-Je vous coupe ! le coupa un homme qui sortit des rangs. Ce n'est pas le gaz disopropylaminoethyle-o-ethyle methyle phosponothicrate, mais le gaz disopropylaminoethyle-o-ethyle methyle phosponothIOATE !
L'agent le regarda d'un oeil circonspect, quoiqu'un peu fugace.
-Oui ! C'est pas faux. Quoiqu'il en soit, voici la preuve qui atteste qu'il s'agit là d'un cas de litige glycerosphasique au niveau du 6-chloro-2-methyle-1,2,4 Triozolo (4-3x)(1,4) Benzodiozésine du sterno-cléido-mastoïdien, tirant sur le bulbe encéphalo-rachidien d'un quadrupède quadragénaire.
L'on s'évanouit dans la salle. L'on voltigea, l'on vrilla, l'on tangua du caleçon.
-Que... Quoi ?
-J'ai rien compris !
-Aïe aïe aïe ! Mon crââââââââne !
L'agent sortit une boîte de son manteau et l'ouvrit.
-Tenez. Prenez et sucez. Ceci et l'acide salicylique livré pour vous.
L'on prit donc l'aspirine tandis que l'agent s'explicita.
-Pour les moins fins, les esprits moins affûtés, voilà en somme ce que cela signifie : Alors, vous tous suivre ? Moi y en a inspecteur. Ca y en a éponge de mer. Et ça...
-Inspecteur !
L'agent s'esclaffa d'un petit rire comparable aux gazouillis d'un oiseau ivre.
-Bon d'accord. Je disais, donc, qu'il ne peut s'agir là que d'un cas d'hystérie canine provoquée par une contraction musculaire de la nuque. Un cas typique. La victime est alors envahie d'une envie folle de jeter des éponges de mer sur les potentats du coin en tirant à l'aide d'un fusil à compression splasique qui libère alors du gaz disopropi...
Des yeux striés de veines le fixèrent alors, bouillonnant, suintant, convulsant.
-Euh... De ce fameux gaz.
-Mais alors, où est le Maître ? poussa un homme à l'étrange allure d'un haricot rouge.
-Élémentaire mon cher Watson !
-Euh... non ! Moi, c'est Jean-Pierre ! poussa le même homme d'une voix fluette.
-Peu importe ! Votre Maître, sachez-le mon cher Jean-Pierre, a été emmené, non sans l'absence totale du manque d'accord de son consentement, dans un endroit, et non un lieu, et non une place, et non une adresse, et non un endroit... Euh si ! Un endroit, pardon. Un endroit, disais-je, où, vous serez d'accord avec moi, il a été traîné sans qu'au préalable son ravisseur n'obtienne de lui l'accord de son plein gré, de ses fonctions vitales, rationnelles et motrices, et que...
-Ouais, ouais. Bon, il est où, au final ? cria-t-on.
-Ouais, dites-nous ! rajouta Thon.
-Oh les gars. Du calme. C'était pour le suspens ! Votre Maître est au Dol Guldur canin, la montage aux éponges, l'enfer dichotomique du monde où coule le Styx sinusoïdal : le « Kingdom Bottom Bob the Sponge ».
-Le quoi ?
-Le « Ki... Le... Bon ! L'arrière boutique du magasin Bob l'Eponge, face au gymnase. C'est bon, vous êtes contents ?
-Allons-y tous ! cria un homme hirsute.
-Non, mieux ! Allons-y ensemble ! cria un autre homme hirsute.
L'on acquiesça par de grands cris spartiates qui pouvaient aussi bien signifier « En route ! » que « Rends-moi le chien ! ». Et la foule se mit en route vers l'antre maléfique du vil Bob. Et l'agent, pantois, buvant une tasse de thé Earl Grey, s'assit sur un homme qui avait été préalablement piétiné et soupira.

La foule arriva alors au « Kingdom Bottom Bob the Sponge », où une écrevisse écartelée et hurlant à l'agonie ornait la porte en se vidant de ses tripailles.
L'on dégonda la porte, malgré la présence du drôle de fruit de mer, et l'on pénétra dans la pièce.
Avant d'aller plus loin, il me faut expliquer la situation. Car, en effet, elle est particulière. Le groupe d'hommes qui, jusqu'alors, avait agit unilatéralement, était dirigé par le fils de Jacques, Willie « la Carotte », aux dents proéminentes. Oui, jusqu'alors... Mais ce n'était qu'une façade car, lorsque la porte tomba, les masques churent également. Il ne s'agissait pas que d'hommes agissant unilatéralement : il y avait aussi des femmes qui, jusqu'alors, se cachaient au milieu de la foule.
-En fer et Dame Nature ! Des femmes ! hurla Willie.
-Ah ahhh ! Oui, nous sommes des femmes et nous vous tenons ! hurla Simone, la meneuse aux allures de boulangère transsexuelle.
-Doucement, mesdames. Nous pouvons discuter, comme de vrais guerriers. Que voulez-vous ?
Simone s'avança.
-Ah ahhh ! Vous feignez l'ignorance ! Vous n'êtes que des Mizoguchi !
-Ah non. Mizoguchi est un cinéaste. Tu dois te tromper, vieille femme laide et puante.
-Ah ahhh ! Euh... Des musaraignes, alors ?
Willie réfuta.
-C'est un animal...
-Ah ahhh ! Des misanthropes alors !
-Pour ma part, j'aime la race humaine et ne puis supporter la solitude trop longtemps.
-Ah ahhh ! Des... Des... Nan, vraiment, je ne me souviens plus. Désolée, les filles.
Simone recula, la tête baissée.
-Des misogynes, voulais-tu dire, peut être, la gueuse ?! s'esclaffa un soldat ténor du choeur des Guerriers Présents.
-Ah ahhh ! cria Simone.
-Ah... dit Willie.
-Ah ahhh ! Bande de misogynes !
-Et pourquoi cela ?
-Ah ahhh ! Vous vous demandez vraiment ? Non mais regardez cette histoire. Des hommes, des hommes. Jamais de femmes ! A part des pucelles qu'on viole et qu'on éventre.
-Ah, je m'excuse, ma bonne dame, mais il n'a jamais été précisé qu'on les éventrasse.
-Ah ahhh ! Peu importe. Maintenant, grâce au LESBOS, la Ligue d'Extansion de la Sauvegarde des Bombes Ostrogothes Sexys -où Bombe est à prendre dans le sens d'une beauté fatale -, le rôle des femmes et revu à la hausse.
-Alors, c'est VOUS ! lança, vif comme l'éclair, Willie la Carotte.
-Ah ahhh ! Eh oui. Nous avons enlevé le Maître Jacques. Nous l'avons amené ici en faisant passer cela pour un délit de chien.
-Où est-il ? cria le furieux Willie.
-Ah ahhh ! Il est... Derrière cette porte.
Elle indiqua une porte sur laquelle était affiché la photo d'un bilboquet.
Willie se lança sur la porte et l'ouvrit violemment.
-Père !
Il se stoppa net. Jacques était là, en effet, mais il avait rendu l'âme et le piteux état de son cadavre en attestait la dure réalité.
Willie se retourna vers Simone.
-Non !
-Ah ahhh ! Si ! ricana la diabolique ambiguë.
-Que lui avez vous fait, bougresses d'Hercules ?!
-Ah ahhh ! Nous l'avions confié à notre expert en tortures sallaces, homme-poule de son état, appelé Vésuvio, l'Homo Galinéus, du nom de Christian aux deux roues. Sa petites tailles et sa laideur lui donnent tout la cruauté et la perversité que peut avoir un infirme sexuellement perturbé et au visage d'une volaille. Hahaha. Entre autre, il l'a attaché, a abusé de lui à vingt-six reprises avec une chandelle en aluminium durcit, puis lui a coupées les roustons pour s'en faire des nems. Hahaha ! Vous sentez ce fumet ?
Willie, fou de rage, s'empara d'une lime à ongles qui traînait par là et entreprit un combat à l'arme blanche contre Simone qui se saisit de sa machette. Les hommes regardèrent alors les femmes en chien. Les femmes regardèrent donc les hommes en faïences. Et, au bout du compte, ils se regardèrent en faïence de chien. Tout allait basculer lorsque, fort heureusement, Chuck Norris arriva dans la pièce et dit :
-Paix et amour.
Et la Paix et l'Amour furent sur eux pour la nuit des temps.

9 avr. 2008

Sixième Nouvelle sur le deuxième thème

Nouvel écrit sur le thème "perdu". Stan, piètre joueur de poker, est près à tout pour récupérer son argent perdu. Bonne lecture.


La Chair En Vaut La Chandelle


23h58. Le Gasmoa’s Bar. Là où la ville vomit ses déchets avant de s’endormir. À la table de la seconde pièce en sous-sol, la partie de poker touchait à sa fin. L'air y était étouffant, mélange de fumée charbonneuse, de sueur et de cendres d'une souris volante.
Tony claqua de la langue et regarda au fond de l'âme de son adversaire. Leyla et Nico s'étant couchés, il était maintenant le seul contre Stan. Et y’avait pas mal de pognon en jeu. Tony était confiant, sa main n'était pas exceptionnelle mais Stan était l'un des pires joueurs du sud de la ville. Ce dernier stressait trop et respirait mal. Il desserra son noeud papillon et l'insecte s'envola. Il respira mieux et devenait plus confiant. Il voyait sa main d'un meilleur oeil, pouvant totalement être gagnante. Tony, mécontent de ce changement d'atmosphère, lui mit la pression :
-Grouille-toi bordel. C'est pas un choix compliqué. Tu suis ou tu t’écrases.
Stan mis en branle ses derniers neurones. Il devait suivre de 40 euros et c'est exactement la somme qu'il lui restait. Ainsi, s'il perdait une fois de plus, il serait ruiné. Mais putain, un brelan de valets mentait rarement, n’est-ce pas ?
-Je suis.
Stan débarrassa tout le fric de son carré de tapis pour le jeter dans la gueule de la mise, qui avala les billets goulûment.
-Pour voir.
-Ok.
Tony abattit (à l’aide d’un petit revolver de manche) ses cartes : brelan de rois.
-Tu fais mieux, Stanley ?
-Bordel, Dieu que non.
Ce dernier montra ses trois valets, lesquels affichaient maintenant une mine timide.
-Je t'ai encore plumé, ah ah. T'es vraiment minable.
-La chance finira bien par tourner.
-En attendant, je ramasse ton argent.
Tony attrapa la gueule de la mise et lui fit vomir les billets. Puis il les ajouta à son propre paquet, qui prenait beaucoup de poids à chaque tour. Il ne comptait pas pour autant suivre un régime. Celui de Stan, par contre, n'était plus qu'un cadavre de petit somalien.
-Alors, Monsieur Ruiné ? Tu dégages avec la queue entre les jambes ou tu restes à la table comme spectateur ?
-Je veux continuer. Je peux emprunter.
-On n’est pas dans un jeu vidéo. Pas d'emprunt. On se bat avec nos propres tripes.
Stan se caressa sèchement la barbe. Des poils restèrent entre les doigts ; et le pouce, ayant froid, s'en fit une petite couverture.
-Je continue, avec mes propres tripes.
Il prit son chapeau et le posa sur le tapis.
-Ce machin fera la mise de départ.
Leyla rigola, mais Tony acquiesça.
-Comme tu veux.
Nico prit les cartes et les mélangea. Il voulut faire la nouvelle donne, mais Tony l'arrêta.
-Tu dois couper le paquet d'abord. La règle est ce qu’elle est.
-Ah ouais, c'’est vrai. J'avais oublié.
Nico sortir de sa poche-revolver une machette africaine et se prépara à trancher le corps du pauvre paquet.
-Pas avec ça, idiot !
-‘Scuse.
Nico sépara des doigts le paquet en deux et mis la partie basse au-dessus. Il fit la nouvelle donne et Stan regarda ses cartes avec dépit. La chance s'était encore montrée pudique, cette sale vierge.
C’était à Leyla de parler. Elle balança 50 euros sur la moquette verte. Tony suivit et Nico renchérit de trente.
Stan n’avait plus de quoi suivre mais il ne se découragea pas pour autant. Il enleva son costume et le posa sur le tapis. Les autres ne furent pas satisfaits.
-C'est pas assez, ce ne sont que des frusques trouvées au puces.
Il se débarrassa alors de ses chaussures, de son pantalon et de sa cravate.
-Là ça fait le compte. Mais je renchéris de mon caleçon, mes chaussettes, ma montre et ma gourmette.
Si bien que Stan se retrouva dans le simple appareil. Leyla regarda de quoi son entrejambe était fait et elle émit des yeux évocateurs.
-Cette chair-là vaudra beaucoup.
-Ne fantasme pas. Contente toi de jouer.
Leyla suivit, idem pour Tony et Nico. Pour voir. Et Leyla les écrasa tous avec une suite de pique. La chance féminine, dangereuse.
Stan avait les larmes aux yeux. Oui, la chance tourne, mais pas pour ta gueule. Sûr qu'il avait sacrement mal joué depuis le début. Même une grand-mère aurait mieux géré son fric. Il ferait mieux de partir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. Limiter les dégâts, accepter la défaite avec humilité.
Ou alors, non. Pas question de fuir comme un mioche, il se battra jusqu'au bout et regagnera tout ce qu'il avait perdu. Ouais, ils vont morfler ces connards. A commencer par cette salope de Leyla, puis ce sale vicieux de Nico, et pour terminer, ce faux caïd de Tony. Il les renverra dans l'utérus maternel, dépouillés de leur compte en banque.
-Arrête de penser à des choses malsaines Stan, cherche plutôt de quoi continuer la partie. T'es à poil et sans personne pour t'aider... T'es clairement fini, accepte-le.
-Non... Je... J'ai des ressources insoupçonnées.
-Je suis curieux de voir où ça.
-Tu le sauras au paragraphe suivant.
Stan s'enfonça les deux premiers doigts de la main gauche au fond de la bouche et les mordit jusqu'à l'os. Puis il tira son poignet d'un coup violent et les deux doigts se séparèrent de la main. Stan les cracha sur le tapis. Le sang cramoisi se mélangea au vert de la moquette avec une classe exquise.
Leyla suivit, et Tony renchérit. Nico renchérit plus encore. La mise montait bien haut. 500, 600... Stan voulut encore continuer. Il se leva et monta sur sa chaise. D'un saut sec et puissant, il plongea vers le sol, son bras droit en avant. L'épaule se brisa et le bras pendit lamentablement le long du corps. Stan put alors l'arracher facilement de sa main valide. Il le déposa sur le tapis et esquissa un sourire crispé de souffrance.
-Sacré courage Stanley, mais ça ne fait pas le compte.
-Mais j'ai pas encore fini.
Il s'aiguisa les ongles avec son as de pique. Quand ils furent parfaitement tranchants, il se planta trois doigts dans le globe oculaire gauche et en arracha l'oeil.
-Avec ça en plus, j'atteins la mise, hein ?
-Ouais, on va dire que ça va.
-Mais je ne vais pas vous laisser me braire comme ça à chaque fois. Je vais renchérir plus encore.
-T'as bien réfléchi aux conséquences ? J'espère que t'as vraiment une bonne main, sinon ton bluff te fera plus mal à toi qu'à nous.
-Ta gueule. Je sais ce que je fais.
Stan s'agrippa la peau du pénis et la tira d'une longueur suffisante pour se l'enrouler autour du pied. Puis il démonta sa mâchoire et en détacha les incisives. Il les coinça entre la paume et les doigts pour en faire une lame et il trancha son engin d'un coup sec. Il tomba de son siège dans un cri de douleur. Leyla ramassa le sexe sur le sol et le posa sur le tapis. Nico considéra la valeur de ce pot et rendit ses cartes.
-C'est trop pour moi, je me couche.
-Moi de même, déclara Leyla. Ce bout-là ne m'excite pas quand c'est mort.
-Ah ah, alors c’est la fin de la route, annonça Tony. Stan est à la croisée des chemins.
La figure de ce dernier était maintenant violacée, tous ses nerfs étaient à vifs, son sang coulait abondamment sur le sol.
-Tu veux un verre d'eau ?
-Non merci Tony, finissons rapidement.
-Oh non, ne brusquons pas les choses. On en est à 1000 euros de mise environ, ce qui fait... Un sacré montant quand même. Alors qu'est ce qu'on décide ?
Stan regarda ses cartes. Son carré lui souriait pour l’encourager.
-T'inquiète pas, on va plumer ce connard !
-Je sais pas, vous êtes plutôt des hypocrites, vous les carrés.
-Je te dis que cette-fois çi c'est la fin. Ta bonne fin. La Victoire.
Stan essaya de réfléchir. Il ressentait les picotements de son épaule, de son oeil et de son entrejambe. Tout cela l'empêchait quelque peu de se concentrer. 1000 euros. Ticket pour un rêve américain. Une foutue chance pas gentille, et Tony qui ne perdait jamais. Mais c'était là son ultime moyen de tout récupérer. Maintenant ou jamais. Tout perdre ou tout gagner.
-Je veux qu'on se fasse un quitte ou double, Tony.
-Qu'est ce que t'entends par là ?
-Rien de compliqué. Juste TOUT ton fric, contre ce que j'ai de plus précieux.
Tony s'alluma un autre cigare, en tabac véritable de tigre Australien. La fumée lui donna confiance en soi.
-C'est d'accord. Quitte ou double de chez quitte ou double.
Il écarta les bras et avança les centaines de billets au milieu du tapis.
-A toi mon chou, mise toute ton âme.
Stan emprunta alors la machette de Nico. Il se la posa sur la nuque et respira fortement. Puis, grâce à un courage inhumain, il se trancha le cou de trois frappes successives. La tête se détacha du corps et roula jusqu'au milieu du tapis. Tony hocha le menton.
-Très bien, t'as payé pour voir.
Sûr de sa victoire, il étala ses cinq cartes. Carré de dix.
-Je suis encore gagnant, j'en suis sûr. Ah ah ah.
-Et bien non. La chance a enfin tourné ! Voici mon carré de dames, connard.
Tony s'évanouit. Il s'était fait volé par un gosse minable. Un sort pire que la mort. Lui, le dragon du Gasmoa, avait tout perdu face à un simple carré de dames.

Stan essaya de réjouir, mais il souffrait trop. Son corps décapité mourut six secondes plus tard.

Fin.

(Nairod)

8 avr. 2008

Huitième nouvelle sur le premier sujet

Bon, je sais, je suis en retard. Beaucoup. Mais faut le temps qu'il faut, hein !
Voici donc "Dans un ciel de printemps", une poésie en vers libres sur le thème "Deux inconscients".
(Si c'est trop long, on peut essayer de trouver une combine. :o )


Dans un ciel de printemps
Sortant tout droit de l'hiver.
Dans un ciel de printemps
Volait une hirondelle.
D'un air penseur,
Elle ramenait à ses oisillons
Qui l'attendaient dans le nid, affamés,
Des vers qui les rassasieraient.

Mais c'est qu'il était distrait,
L'oiseau.
Et pas bien réveillé.
Et comme il pensait,
Il pensait à Paris,
A Montmartre, à la Tour Eiffel,
Aux Champs Elysées, à l'Arc de Triomphe,
Au périphérique encombré
Et au métro porte de Clignancourt,
Il s'engouffra dans une bourrasque
Et ses ailes furent secouées,
Et ses plumes firent des bonds.
Car il était cardiaque,
L'oiseau.
Et il cru bien y passer si,
Par hasard,
Il n'était pas tombé sur les lignes à haute tension
Qui lui ramenèrent son afflux sanguin.
Dans sa chute,
Il lâcha son festin
Qui alla s'écraser
Rue du Général Margueritte,
Près de la ligne de train,
Sur l'épaule d'un pauvre ahuris
Qui, les yeux dans le vagues,
S'en allait au troquet du coin.

Cet homme-là était agent d'entretien
Et il se levait
Chaque matin
Pour balayer,
Épousseter,
Briquer, cirer,
Récurer, aspirer...
Et il avait mal au dos,
Le balayeur.
Non pas que son balais fusse lourd,
Mais il fallait bien se pencher,
Rue du Printemps,
Pour ramasser son argent,
Rue du Balais,
Rue de l'argent,
Rue du Printemps de l'argent,
Rue de l'argent au printemps,
Rue de l'argent en ballets.

Il s'en moquait
Le balayeur.
Il gagnait son pain,
Le ramenait le soir au foyer.
Quelques fois,
Il s'arrêtait au troquet
Et buvait une ou deux pintes,
Rarement plus.
« Pas de quoi s'arracher les cheveux.
Se disait-il
Un ou deux coups
Et après je serai pile poil à l'heure -
Si tant est que l'heure aie des poils -
Pile poil à l'heure pour ma série télé. »
Il entra dans le troquet,
Salua le patron,
Demanda une pinte
Et épousseta d'un geste mécanique
Les miettes de pain sur le comptoir
Avec sa manche,
Sa manche déchirée,
Le comptoir crasseux,
Collant, poisseux
Du troquet l' « Aiglon »,
Près d'un pont,
Rue du Général Margueritte.
Marguerite qui est une fleur
Et un général,
A un « t » près.
Quelle drôle de fleur.

Il en était à sa seconde pinte
Et allait s'en aller,
Raisonnable,
Dire au revoir au troquet.
Mais au revoir c'est si fâde,
Si triste, si maussade.
Au revoir.
Adieu.
Bonsoir.
Au soir, bon dieu !

Il allait donc quitter le comptoir
Lorsque entra un homme au teint pâle,
Au teint blafard,
Aux yeux creux,
Aux sourcils broussailleux
Mais au sourire faussement éclatant.
Notre balayeur le mira
Tandis que l'homme demanda un whisky.
Il se disait,
Le balayeur,
Qu'il devrait plutôt prendre un Sauternes.
Terne comme son teint.
Sot comme son sourire.
Il ria.
Et comme il riait fort,
L'autre homme se tourna vers lui.
« C'est de moi que vous riez ? »
Lui demanda-t-il d'un ton d'acier.
« Du tout »
Lui répondit-il.
Mais ça ne voulait pas dire grand chose.
« J'allais partir »
Ajouta-t-il.
« Il est trop tôt pour partir.
Dit l'autre homme.
J'aime bien ta tête,
J'te paye un coup.
Et excuse-moi si j'te tutoie.
J'tutoie tous les gens qu'j'cotois,
Tous ceux qu'on l'air comme moi. »
Le balayeur regarda le costume pingouin de l'homme,
Le trois pièces, la cravate,
Se rassit.
Et d'un ton gai :
« Tu fais quoi dans la vie ? »
« Je vends mon âme »
Répondit l'autre homme.
Puis il se mit à rire.
Il buvait à bribes abattues
Et essuyait sa bouche avec sa manche,
Sa manche propre,
En bon état,
Sa manche rèche.
« En verité,
Je vends des voitures.
Du soir au matin,
Je vends notre air pur.
Et toi ? »
« Je te complète, moi.
Je balaye ta poussière,
J'enlève ta crasse.
Mais rougis pas, mon frère.
J't'en veux pas.
Allez, on trinque.
Toi avec ton whisky,
Moi avec ma pinte.
On trinque à la vie. »
Il firent résonner leurs verres.
« Trinquons à nous deux,
Rajouta le vendeur de voiture.
Trinquons à l'argent,
Trinquons au pouvoir
Qui nous sont promis.
Trinquons aux patrons,
Trinquons à l'espoir
Et, tant qu'on y est,
Trinquons à toutes les guerres,
Aux guerres de clans,
Aux guerres de gangs,
Aux guerres nucléaires,
Guerres par intérêts,
Guerres par amour,
Par avarice, par orgueil,
Par haine, par intérêt...
Mais celui-là, je l'ai déjà dit. »
« Faut dire que les intérêts
Ca importe,
Rajouta le balayeur.
Mais trinquons aux autres guerres,
Mon frère.
Aux guerres de religions,
Guerres de nations,
Guerres raciales,
Guerres fatales,
Guerres d'opinions,
Guerres de factions,
Guerres des nerfs,
Guerre de fer,
Guerres froides, guerres chaudes
Guerres de becs pour prises de sang,
Guerres dans la tête et balles révolutionnaires,
Guerres navales, guerres politiques,
Guerres de morales, guerres étatiques,
Économiques, démographiques,
Académiques, transatlantiques,
Océan de malheurs pour guerres Pacifique.
A Guernica,
A la guerre de Vingt ans,
Celle de Cent ans,
Celle des gosses de seize ans.
A toutes ces guerres,
Aux guéridons
Qui dirigent nos intérêts.
Parce que les intérêts »
« Ca importe »
Répliqua le vendeur.
Et à l'unisson,
Il éclatèrent de rire,
D'un rire gras,
D'un rire patriotique,
Fier d'être français
Quand ça l'arrange.
Parce qu'il est cardiaque,
Le patriote.
Et son coeur patriote flanche
Lorsqu'une bourrasque l'assaille.

Tout au dehors du troquet,
Il y a un clochard.
Il n'a pas de travail, lui,
Pourtant il est aussi saoul.
Saoul comme un balayeur,
Saoul comme un vendeur,
Saoul comme le soleil
Qu'est allé se coucher, lui,
Le salopard.
Comme si le monde s'arrêtait avec lui.
Mais les étoiles, elles,
Elles travaillent
Toute la nuit,
Tout le soir.
Et le clochard les regarde.
Il regarde leur lumière
Qui se reflète dans sa pupille
Et rebondit dans son oeil
Et ressort en double.
En tandis qu'il bave devant les étoiles,
Il ne fait rien,
Le clochard.
Il a trop bu
Et il peut pas bouger.
C'est bien le drame de l'humanité.
Se saouler,
Plus bouger,
Regarder
Les étoiles, le ciel noir,
Toujours pas bouger,
De temps en temps, crier
Juste pour crier,
Sans être écouté,
Mais juste regarder
Sans y penser,
Sans en rêver.

Mais alors qu'il fait l'humanité,
Il sent qu'on lui marche dessus.
Ce sont les deux hommes,
Le balayeur,
Le vendeur,
Qui ressortent
Bras dessus, bras dessous,
Du troquet.
« Eh ! Attention ! »
Cria le clochard.
« Oh, pardon. »
Répondent en choeur les hommes.
« C'est qu'on est pressés.
Y a une émission
Ce soir, à la télé
Et on veut pas la manquer.
Désolé, vieux frère,
On a pas de fric,
On a tout bu.
Parce que le liquide,
Ca se boit,
Quoi qu'on en dise. »
« Et ça saoule. »
Rajouta le clochard.
Et tous trois rirent
A l'unisson.
Tous trois.
Le clochard
Sur le trottoir,
Aux pieds des deux hommes
Qui sont saouls,
Saouls comme des agneaux...
Pardon.
Doux comme des barriques.
Et qui regardent les étoiles
Qui se moquent d'eux.
Les étoiles qui scintillent
Parce qu'elles travaillent pour le soleil
Pour faire tourner la machine.
Parce que ça tourne pas tout seul,
Faut pas croire.
Y a que les oiseaux pour penser.
Pardon, je n'ai pas finie ma phrase.
Pour penser que le monde tourne seul
Et qu'on est jamais mieux servis
Que par soi-même.

D'ailleurs, le voilà,
L'oiseau.
Il est gai comme un pinson.
Ses oisillons dorment,
Ragaillardis, rassasiés.
Et lui se pose sur le trottoir.
Le trottoir devant le troquet.
Le troquet rue du Général Margueritte.
Marguerite qui est une fleur,
Une drôle de fleur.
Et il voit les deux hommes rire
En partant.
Il rentrent chez eux,
Dans leurs foyers.
Et l'oiseau s'adresse au clochard.
« Quels inconscients. »
« Pourquoi cela ?
Répond le clochard
Il sont heureux. »
« Ils sont ivres,
Par heureux.
Il n'y a bien que les Hommes
pour croire qu'être inconscient
C'est être heureux.
Le monde tourne,
Il a besoin de personne.
Mais vous,
Les Hommes,
Les balayeurs,
Les vendeurs,
Les clochards,
Les menteurs.
Vous, vous croyez qu'il tourne pour vous
Et grâce à vous.
Alors vous vous grisez d'infini
En croyant faire avancer le monde.
Toi, le clochard,
Demain,
Tu sauras que j'ai raison.
Car ton monde il est là,
Sous tes mains
Et tu le sens bouger
Sous toi.
Alors tu bois
Pour oublier,
Pour t'oublier.
Mais tu n'oublies pas
Car tu sens le monde
Sous tes doigts.
Mais eux,
Ils vivent dans leurs mondes
Et ne se rendent pas compte
Que le notre avance.
Parce que le balayeur compte ses poussières,
Le vendeur ses chiffres d'affaire.
Mais ça revient au même.
Il n'ont plus le temps de penser.
Compter ses miettes,
Ses enjoliveurs,
Ses tâches, ses salpêtres,
Ses volants, ses moteurs...
Compter,
Car leur monde n'est que chiffres,
Leur monde que le patron a créé pour eux
Et qu'ils sucent comme une tétine
Chaque jour
De chaque semaine
De chaque mois
De chaque année
En se disant
Que c'est délicieux.
Jusqu'à ce qu'ils en aient la nausée
Et qu'ils vomissent leurs tripes,
Leurs poumons, leurs foies,
Leurs coeurs.
Le mot est lâché.
Ils vomissent leurs coeurs
Et cessent d'aimer.
Les chiffres n'aiment pas.
Ils n'ont pas le temps pour ça.

Mais il se fait tard
Et le monde tourne
Bonne nuit,
Bonne nuit clochard.
Et cesse de regarder les étoiles
Apathiquement.
Ce ne sont que des chimères.
Vol, vol de tes ailes
Et va voir sur la Lune si j'y suis. »
Et tandis que l'oiseau finit sa phrase,
Le voilà déjà loin dans le soir,
Loin dans le noir.
Sa silhouette disparaît,
Loin du troquet.

Le clochard reste là,
Pensant à ce qu'a dit l'oiseau.
Et le balayeur rentre chez lui,
Et le vendeur également.
Chez leurs lui respectifs.
Et les moutons sont bien gardés.
Ou sont-ce les poules ?
Allez savoir...
Et les voilà qui dorment
Dans leurs lits d'inconscients,
Dans leurs foyers inconscients,
D'un sommeil inconstant
Dans leurs foyers inconsistants,
Leurs foyers dans la rue doyen Alexandre Lamache,
Et dans la rue Maréchal Joffre
Près de cette rue,
Celle du général Margueritte.
Margueritte qui est une fleur
Et un général.
Un général inconscient,
Un maréchal inconscient,
Dans un monde d'inconscients,
Le soir,
Sur la Terre
Qui tourne
Tout seule.

7 avr. 2008

Le Clandestin - Chapitre Quatrième

Chapitre Quatrième – Chaos :

J’ai lu un jour une théorie intéressante. Elle disait que, parfois, de l’ordre pouvait naître le chaos, engendré par un élément extérieur à cet ordre. Ainsi, même un grain de sable peut faire basculer de l’ordre au chaos.
Cela explique très bien ma vie…

Jersey, Octobre 1961…

Je venais de passer la nuit à travailler. J’allais de mon bureau à la salle d’archives, et de la salle d’archives à mon bureau. Mon seul but était de savoir pourquoi, pour qui… Quelle heure pouvait-il être ? De quelle journée ? Je n’en avais aucune idée… Je m’accordais une pause, extenué que j’étais. Je ne pouvais plus dormir. Non, je ne pouvais plus… Alors je m’évadais, rêvant, mais éveillé, conscient.
Lorsque deux agents entrèrent. J’en avais oublié que je n’étais plus dans mon bureau, mais dans la salle d’archive, allongé là, par terre, à regarder le plafond. De quoi aurai-je eu l’air ? Je feintai donc l’endormissement.
-Et tu vois il m’a dit que j… Oh ! Regarde donc ça. C’est le sergent… il s’est endormit ici, dit l’un des deux hommes.
-C’est si malheureux. Quelqu’un de si bien… Pas étonnant qu’il tombe à terre. Cela doit bien faire une semaine qu’il n’est pas rentré chez lui, faisant allers et retours entre ici et son bureau sans cesse. Il se tue à la tache…
-Si tu veux mon avis, je pense qu’il a pété les plombs. Un jeune homme si doué, si prometteur. Enfin, pas étonnant, vu le désordre dans sa vie en ce moment…
Tout est noir autour de moi, ma tête tourne. Je crois que finalement, j’ai trouvé le sommeil…

Le désordre…
Le chaos…


C’est affligeant comme la vie peut être faite, parfois. Une personne vous manque, et c’est le monde qui est dépeuplé…


Jersey, Novembre 1961…

Suite à mon aphasie, les policiers m’ont emmené à l’hôpital. On m’a alors fortement recommandé de me ménager un peu… Je n’eu pas d’autre choix que de rentrer chez moi, dans cet appartement, celui-là même où j’ai trouvé ma femme mourante…
Lorsque je posais le premier pas dans cet appartement, une douleur sans pareil m’envahit. Dans tous mes os, tous mes muscles, tout mon sang je pouvais ressentir ce chagrin qui mettait mes jambes à défaut. Je revoyais dans ma tête ces images d’horreur, ce sang, je ressentais la sensation de sa peau froide. Puis, sans même m’en rendre compte, des larmes coulèrent. Pour la première fois depuis bien longtemps, je pleurais. Larmes qui à la fois me brûlaient la peau, mais me permettaient également de ressortir cette douleur qui était dors et déjà en train de faire son nid dans mon cœur. Comme les larmes affluaient, de nouvelles images me revinrent à l’esprit. Des images de bonheur, des images d’elle, à la grande époque. Des images sans cruauté, sans haine, sans chagrin. Je pu faire ce second pas, puis un troisième… jusqu’à arriver à mon sofa. Je m’assis. La douleur avait disparu. Ou du moins, elle ne me torturait plus. Mais à la place, je ressentais la haine. J’avais un désir de vengeance, je voulais tout exploser, que tout ce qui est beau meurt, que tout ce qui est chaleureux perde son éclat. J’avais envie de tout gâcher… Mais j’avais surtout envie de faire payer aux personnes qui m’avaient fait ça.
J’avais déjà bien avancé, mes recherches m’avaient permis de faire un lien supposé entre ces cambriolages et la mort de ma femme. Ces vols avaient en fait été perpétrés non seulement toujours en pleine journée, mais également dans des maisons modestes. Affaire à l’aspect banal. Il m’aurait suffit de creuser un tout petit peu plus pour voir qu’en fait derrière cela se cachait une très grosse affaire… Mais c’est toujours dans les situations les plus critiques que la notion du travail bien fait prend tout son sens. Le point convergeant était non pas ces maisons, mais leurs propriétaires. Ils étaient tous d’anciens marins, et tous venaient du même bâtiment. Bateau qui, une semaine plus tôt, avait finit sa vie au fond des eaux. L’enquête avait révélée que le navire avait sûrement été coulé volontairement. Mais cette enquête n’avait pas été plus loin. Sans véritable raison, les investigations avaient été arrêtées. D’après un de mes indicateurs, on aurait retrouvé des traces de drogue dans les soutes, et c’est cela qui aurait poussé certaines personnes bien placées à ‘noyer le poisson’. L’affaire était d’autant plus grosse que quelques jours avant la visite de ce M. Crook, les corps de certains de ces marins avaient été retrouvés, pendus à des arbres avec un écriteau sur lequel il était écrit le mot ‘ESCROC’. A l’époque, l’enquête avait été confiée à un inspecteur plus expérimenté que moi, nous n’avions en effet aucune idée d’une quelconque relation entre ces meurtres et ces cambriolages. Maintenant, c’était évident. Restait à trouver quelles personnes étaient mouillées dans cette histoire. Et ce n’était pas une mince affaire… Il y avait un seul élément qui pouvait m’emmener à la réponse que je voulais : Ce Monsieur Crook.
Mon plan était prêt… Restait à l’exécuter. Mais, avant, il me fallait préparer ma sortie. Je décrochais donc mon téléphone afin de prévenir mes collègues de mon absence.
-Oui, allo, commissariat de Jersey, je vous écoute.
-Allo, Philippe. C’est moi.
-Eh ! Sergent. Comment vas-tu ?
-Oh… pas fort. J’ai la crève, et du coup, je tiens presque plus debout. Le médecin m’a dit de ne pas travailler aujourd’hui, au moins.
-D’accord. Eh bien, pas de soucis, on se débrouillera. Le médecin à raison, tu étais livide la dernière fois, tu ferais mieux de te reposer au moins toute cette semaine.
-Oui, pas de soucis. Merci.
-Dis, sergent…
-Oui ?
-Fais attention à toi, quand même, hein. Reviens-nous en pleine forme !
-Merci Philippe, je reviendrais très vite et avec la forme.
-Bonne journée.

Je raccroche le téléphone. La solitude, à présent. Je la sens couler dans mes veines. Je repense à toi, encore une fois… Comme cet endroit est vide sans ta présence.

On souffle, on respire un peu, s’accordant une pause dans cette jungle qu’est la vie. Puis celle-ci nous met à nouveau devant deux choix, deux chemins qui s’offrent à nous :
Le premier a une fin bien prévisible, mais amère. Un chemin bien clair, mais monotone.
L’autre est sombre et inconnu, mais intriguant et plein d’espoir.

Le choix fait, il est trop tard pour reculer. On ne peut plus que suivre sa route en espérant déboucher quelque part…

Je venais de raccrocher. Maintenant dans ma tête, deux voix raisonnaient. La première me disait de prendre cette première voie. La deuxième, elle, jouait de mes sentiments et m’encourageait à prendre la seconde issue. Ce que je fis…
-Bien bien… Voyons où tu vis, cher M. Crook.
Je mis la main dans les dossiers que j’avais emportés chez moi. Ceux, plus ou moins officiels, qui contenaient les noms des personnes sous surveillance. Une très bonne idée qu’un de mes associés avait eue, que j’avais mise en place très rapidement, et qui, ce jour-là, me rendait un fort grand service. Monsieur Crook y était, puisque j’avais demandé personnellement à ce qu’on l’y ajoute. En un quart d’heure, j’en savais assez sur cet homme pour pouvoir le retrouver. Non pas que le dossier était épais, bien au contraire, mais parce que j’avais là l’adresse de chez lui, de son travail. Il était malin, il savait qu’il était suivi. Ainsi, il avait réussi à semer ma taupe à maintes reprises et durant plusieurs heures, ce qui lui laissait le champ libre pour faire tout ce qu’il désirait sans être soucieux que j’en apprenne quoi que ce soit. Voila, je savais où le trouver, il fallait que je fasse du bruit, il fallait que je déchaîne mon courroux !

Tu as volé ma vie, tu ne partiras pas en emportant mon âme…

Bugling Eyes Chapitre 5

V- Où s'inaugura un saisissant « Si l'on jouait ? ».

Ainsi, l'irritation monta dans la baraka du grand idiot qui, toujours sur son mauvais apparat, faillit mais n'abandonna pas son combat « with da fucking jackass », dirait un gangsta du Bronx, « con il bruto tipo », dirait du mafiosi napolitains, la Cosa Nostra, ou, dirait un bon français, un futur au sol, abattu par un lourd produit. Plutonium bon riant - car ainsi l'intitulait un ami dans son instant plus coquin – cligna, tituba, finit par ragaillardir son corps, plus lourd qu'un gros tas d'un gros plomb, puis fit grandir sa voix.

-Ah la catin ! dit-il. L'amour fut pour moi un tsunami rock'n'roll au parfum citron.

Ainsi, il mira Uranus dans l'infini cosmos pour la bannir par son mot, lui parla.
Uranus lui dit alors :

-Qu'as-tu voulu dans ton souhait avoir, Ô mauvais animal ?

Il tournait fou.

-Nous voudrions du LSD goût chocolat, Ô mon poussin, pour qu'ainsi nous allions à Saïgon.

-Oublis ça, mon amour. J'ai pu t'assombrir, mais crois-moi si j'avançais qu'il s'agit avant tout d'un flash, Ô bon poison, Ô doux rapport à la mort. Il fut sûr pour nous, tu sais, qu'alors par la friction du plaisir commun à nos amours, nous finirions par nous haïr au fin fond du thanatos. Oublis ton pathos. Au nom du flash qui nous turlupinait, chantilly du plaisir, dis-moi, Ô mon futur, si tu souffrirais si, tous trois – toi, moi, l'amour -, l'on jouait au tarot du plaisir.

Plutonium, gai, ria fort. Puis il su qu'il allait faillir. L'initiation l'avait mis au front du fait à accomplir. L'irritation monta dans son cabochard. Un sinus mordit son pair, un sourcil vrilla, un poing raidit. Un gribouillis d'actions qui montra, par son accumulation, qu'alors un grand raid allait, s'organisant, pour pâlir Uranus. Uranus doit mourir. Soon.

Il s'avança jusqu'aux battants du grand appart'.

-J'ai un poisson à finir. dit-il, a priori sûr.