31 mars 2008

Bugling Eyes Chapitre 4

IV- Où entra le désir, où sorti la torpeur, où cria l'infinie subterfuge.

Jessica arriva chez elle. Elle tapa le digicode. Serge ne bougea point. Il la mirait du haut de sa tourelle, et tel un serpent languissant, crachait son venin sur les feuilles du buisson dans lequel il se dissimulait. Il se voyait juxtaposer sa passion sur la passion de Jessica, fondre son désir dans son désir. Et il leva les yeux vers le ciel, poussa un soupir lorsque Jessica, innocente, ramassa les clés qu'elle venait de faire tomber et que sa jupette se souleva comme un cogito cartésien qui dirait « Je pense donc je suis. Je suis. Je suis. Je suis. Je suis...etc ». Elle introduisit la clé dans la serrure tandis que le déclic se fit sentir. Serge la regarda entrer et disparaître de sa vue. Il chancela. Le bourgeon de son désir n'était pas encore tout à fait éclot. Mais il était sur le point d'exploser, de céder à la pression du trop plein, de l'acme se faisant attendre, du désir brûlant jusqu'aux entrailles de son corps suintant, trépignant, gesticulant.

Il poussa un profond soupir et, n'en pouvant plus, alla plus loin afin de déverser sa frustration, ce long torrent, fleuve confluent d'une urètre distendue, douloureuse, victime innocente d'un éboulement de pression artérielle.

Puis il se recroquevilla sur lui-même. Triste fin pour un aigle si beau, triste atterrissage d'un décollage si doux. Le fruit interdit à peine croqué, l'en voilà privé. Douloureuse réalité, barrière immatérielle, mais tellement significative. Il tomba à terre et une banane à peine digérée sortie de sa cavité stomacale, évacuant sa rage, la vulgaire idée germant dans son esprit. Il releva la tête et essuya sa bouche à l'aide de la manche de son pull en laine. Il se laissa basculer contre le mur et enleva son bonnet d'un geste tremblant de la main. Il regarda le ciel, mira les formes tendres de la Lune, l'air émerveillé. Il avança sa main. La toucher. Son royaume pour pouvoir la toucher. Une larme glissa sur sa joue et alla mourir sur ses lèvres. Il se sentait si faible, il se sentait un rien. Rien vide. Rien sinueux, certes, mais rien clôt, petit, perdu. Raté. Il se sentait raté.

« Ah, doux Jesus – ou plutôt Satan, mais peu importe. Ah, Créature divine, Être Supérieur qui régit ce monde, pourquoi m'imposer cela ? Donne-moi le nectar, le Divin breuvage, car je veux goûter la tranquillité, à présent. Ivre de passion que je suis. Ô, Être grisé, Dieu de l'ivresse, tu dois me rendre sobre ! ». Telles furent à peu près ses pensées.

Là-haut, ça s'agitait pas mal. L'on venait de faire un échec et mat en Afrique, et l'on venait d'y perdre beaucoup. L'on criait de toutes parts :
« Moins dix deux en Angola. » de Saint-Benoît au Divin.
« Moins deux six au Cameroun » de Saint-Paul au Créateur.
« Moins vingt-six deux au Sénégal » de Saint-Jacques au Grand Barbu.
« Moins zéro un à Paris » de Saint-Hypocrite au Divin Mensonger...
« Assez ! » cria l'Immortel. « Je m'en vais boire un coup au troquet. Dites à Satan de me rejoindre. j'ai à lui parler. »

Il se leva.
« Mais, Seigneur. » osa Saint-Damné. « Et les réclamations du jour ? »
La Divine Divinité se retourna. Ses yeux s'embrasèrent et Saint-Damné disparu dans une grand brasier. Puis il réapparut avec une petites flammèche, quelques instants plus tard, l'air abasourdi.
« Les réclamations ? Oh, par les miches de la Vierge, donnez-les à Saint-Parfait. Il s'en occupera à la perfection. »

L'on envoya donc les réclamations à Saint-Parfait qui fit, à l'image du Tout-Puissant, un travail Parfait.

Il se trouve justement qu'il choisit ce moment-même pour réaliser les souhaits contenus dans le sac à réclamations, le moment où Serge, assit sur son chagrin, faisait reluire la Lune dans la focale de sa pupille. Il vit alors quelque chose descendre du ciel, qui répandait sur son passage une poussière dorée qui, éclairée par la lumière de l'Astre de nuit, donnait l'impression qu'une fée fut descendue des nuages sur Terre.

Serge, émerveillé, songea alors à cette image qu'il avait vue, quelques jours plus tôt, dans un quelconque film dans lequel une petite fée tintinnabulante, belle comme un ange, donnait des ailes aux enfants en leur jetant sa poussière magique. Il accourut. Mais il ne vit au sol qu'un petit paquet duquel s'échappait une poudre blanche et farineuse, mais certainement par une fée. Il aspira un grand coup et soupira. Mais dans cet acte irréfléchie, mécanique, Serge n'avait pas saisit qu'il venait en réalité de respirer deux grammes de cocaïne venant tout droit du Ciel, ou plutôt en vérité de Colombie, où le commerce illégal de drogues faisait fortune.

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